• PREFACE

    Faeries

    © Good Faeries, Bad Faeries (Brian Froud)

          Autrefois, je pensais que les féeries ne vivaient que dans les livres, les vieux contes folkloriques, et le passé. C'était avant qu'elles n'envahissent ma vie, ces êtres vibrants et lumineux, imprégnant mon art et mon existence jours après jours, entraînant un glorieux ravage. Jusqu'en 1976, j'ai habité Londres et travaillé en tant qu'illustrateur, créant des images correspondant aux mots d'autres personnes. Puis j'ai emménagé dans un petit village folklorique du Devon, prêt de mon ami Alan Lee et de sa famille. Pendant que je marchais dans les forêts de chênes et de lierres, à travers l'étendue sauvage de Dartmoor, parmi des cercles en pierre, des ruines de l'âge de Bronze, et des pierres effondrées des vieux murs de château, j'ai commencé à entendre des mots et des histoires murmurés par la terre elle-même. J'ai écouté ces histoires, imbibé de l'esprit de la terre avec sa richesse folklorique et de mythique. Ensemble, Alan et moi avons créé Faeries, un livre d'images et de traditions de fées, qui est devenu un best-seller international. Ce livre est considéré pour beaucoup de gens comme étant un parfait guide du royaume des fées... mais j'ai aussitôt découvert que mon voyage au pays des Fées avait seulement commencé. J'ai appris que les habitants de ce pays n'étaient pas restreints aux histoires d'un âge disparu depuis longtemps - elles étaient tout autour de moi, ces réelles impulsions d'énergie, d'esprit, d'émotion, et de lumière. Elles ont pris forme pendant qu'elles s'accordaient dans mon art, couvertes par les formes de la nature et du mythe. J'ai attiré leur attention en créant Faeries, et elles n'en n'ont pas encore fini avec moi.

     

          L'année après la publication de Faeries j'ai travaillé sur beaucoup d'autres projets, chacun d'eux imprégné par la magie. Pour Jim Henson, j'ai conçu deux films basés sur mon art : Le cristal sombre et le Labyrinthe. J'ai édité d'autres livres tels que Le monde du cristal sombre, la Faerieland de Brian Froud, le Lady Cottington's Pressed Faery Book, les Tâches étranges et les Odeurs Mystérieuses (Strange Stains and Mysterious Smells,) et Gobelin, le compagnon (les trois derniers avec Terry Jones de renommée de Monty Python). Pourtant de toutes ces publications, Faeries a semblé avoir capturé les imaginations du plus grand nombre de lecteurs. Quand j'ai essayé hors de mon studio à Devon de travailler sur des projets à mi-chemin à travers le monde, les gens ont cherché à me prendre de vieilles copies du volume. Ils y avaient des gens de tous âges et de tous types de vie, mais ils avaient une chose en commun : un intense lien avec le livre et une immense affection pour l'imagination intérieure. Les féeries y ont écrit leurs vies, et y ont formé leurs rêves, et ont touché leurs coeurs.

     

          Cela fait maintenant vingt ans que Faeries a été publié, et depuis je n'ai jamais arrêté mon exploration intensive et personnelle du royaume des fées. C'est cette année que j'ai rencontré mon épouse, Wendy, une sculpteur et fabricante de poupée, à la création du Sombre Cristal ; notre fils, Toby, est né ; et nous avons déménagé dans une grande maison du dix-septième siècle dans le Devon bâtie sur des fondations saxonnes. Les peintures et les croquis de Fées ont commencés à s'éparpiller hors de mon studio, se répandant dans le reste de la maison à côté des sculptures mystiques de ma femme : les masques de régions boisées, et des poupées de fées. Mes peintures ne sont pas des illustrations tirées d'histoires ou de textes folkloriques et spécifiques ; mais plutôt des images peintes intuitivement, jaillissant directement de visions guidées par des fées muses, un mélange paradoxal de chance et d'intention. Pendant que ce concept de langage imagé des fées se développait, j'ai également suivi les empreintes de pas des féeries pour en faire une étude mythologique du monde, et de la psychologie archétypale, et de l'ésotérica magique. A travers la peinture, j'ai beaucoup appris au sujet de la nature des fées au quotidien et de leur pensée très personnelle - de plus ces découvertes font écho dans le mythe, le folklore, l'art, et les écritures de visions provenant des cultures du monde entier.

           Faeries est un livre qui regroupant les féeries du passé, trouvées dans de vieux contes britanniques. Good Faeries / Bad Faeries traite de la magie de nos vies d'aujourd'hui ; il lie les féeries du passé et les féeries du présent et du futur. J'ai toujours voulu que ce livre soit plus qu'une simple présentation de mon art féerique. J'ai espéré également m'occuper de ce processus de créativité et d'imagination qui permet la communication directe avec le royaume lumineux et vivant des féeries. Dans le folklore, on dit que ceux qui peuvent voir les féeries sont dotés de la seconde vue. Là où certains perçoivent seulement des champs vides, un homme ou une femme dotés de la seconde vue peut voir une foule de féeries dansant en rond ou la brillante entrée d'une colline de fées. Là où certains ne voit qu'une simple rue ordinaire avec des magasins ou un marché, d'autres voient des féeries à travers leur déguisement humain, payant des marchandises du marché avec des pièces de monnaie magiques qui se transformeront en simples pierres et disparaîtront quand les féeries seront parties.

          A travers les images peintes et l'écoute de l'esprit de ce beau pays où je me sens chez moi, j'ai découvert que la seconde vue n'est pas restreinte au peuple des vieux contes folkloriques. Nous pouvons tout apprendre sur cette vue qui permet de voir le monde des fées autour de nous. Celui qui fait miroiter à chaque automne les feuilles et qui s'attarde dans chaque ombre bleue et fraîche ; ce monde donne à chaque pierre et ruissellement et semis d'arbres, une vie animée et vibrante. La seconde vue peut également s'appeler vision-intérieure : dans les royaumes des fées, dans le coeur même de la nature... et dans le monde mystique qui se trouve profondément ancrée dans l'âme humaine.

          Dans la Grèce antique, le monde eidola signifiait l'image, et eidolon signifiait l'âme. L'image, alors, était une manière de comprendre et d'envisager l'âme. C'est le livre de ce que j'appelle "imaginosis" ou le savoir par l'image - un livre d'images conçu pour éclairer la révélation individuelle. De telles images naissent de mes propres voyages intérieurs et du contact quotidien avec les féeries. Par expérience je sais qu'elles sont irrationnelles, poétiques, absurdes, paradoxales, et très, très sages. Elles concèdent des dons de l'inspiration, auto-curatifs, et de transformation individuelle - mais elles créent également la sottise de nos vies, les ruptures sauvages, les périodes de troubles, l'abandon insensé, et le changement dramatique.

          Les humains ont longtemps maintenu d'étroites connections quotidiennes avec les féeries. Aux siècles passés, nous les avions reconnus à travers beaucoup de noms traditionnels : les boggarts, bogles, bocans, bugganes, brownies, chapeaux bleus, dames blanches, miffies, pinces, nickers, heurtoirs, noggles, lobs, hobs, scrags, ouphs, spunks, spurns, hodge-pochers, danseurs de lune, puckles, thrumpins, mawkins, gally-trotte, Melsh Dicks, et d'innombrables autres. Si elles ont beaucoup de différents noms, c'est qu'elles nous apparaissent dans beaucoup d'apparences différentes. Elles ont des formes pour se modifier, fortement réversible, aucune fée ou esprit de la nature n'a de corps fixe. Dans leur essence, les féeries sont des structures abstraites à l'énergie débordante, constituées de matière astrale si sensible qu'elle est influencée par des émotions et des pensées. Sous leur forme la plus primaire, nous les percevons simplement en tant que forces pulsatives de lumière radiante, avec un centre rougeoyant situé dans la région de la tête ou du coeur (pour les féeries plus fortement évoluées, la tête et les yeux sont plus fortement définis). Répondant aux modèles mythiques et aux pensées humaines, ces forces abstraites enchantent dans une union d'ailes et de tissus débordant, prenant les formes qui reflètent l'humain, l'animal, la plante, et les mondes minéraux.

     

    Bad Faeries

     

    © Good Faeries, Bad Faeries
    (Brian Froud)
     
          Dans ce livre, nous étudions la nature des féeries dans toutes leurs diverses apparences modelables. Comme gardiens, guides, marraines, et muses, les bonnes féeries du royaume crépusculaire sont des agents de croissance individuelle et de transformation, incorporant des énergies curatives qui traversent la nature et nous-mêmes. Lumineux et illuminant, ils révèlent les aspects cachés de nos âmes. A chaque siècles, la valeur du folklore se précise, les féeries peuvent également être des créatures farceuses, enchantant dans toutes les choses irrationnelles, absurdes, et malicieusement aberrantes. Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi vos chaussettes ne s'assortissent jamais ou pourquoi les toasts beurrés tombent toujours du mauvais côté ? Vous êtes-vous jamais demandé à quoi ressemble la fée Douleur des Regrets ? Ou la fée Douce Panique ? Ici vous verrez les visages et les formes des créatures derrière ces noms et ceux des sombres problèmes - les mauvaises féeries qui nous pincent, nous mordent, nous font des croches pieds, et nous égarent.

     

          Pourtant même les mauvaises féeries ont des dons à nous conférer si nous comprenons leurs natures contraires. En les identifiant et en les appelant, vous trouverez qu'elles peuvent vous enseigner comment tourner la paille de votre vie en or. Les images qui suivent ont été inspirées par la dynamique et fougueux monde autour de moi : les créatures féeriques qui m'ont guidé, perturbé, enchanté, et envahi ma vie quotidienne - me poussant, m'empoignant, me provoquant, et m'allongeant parfois à terre de sorte que (à plat sur mon dos) je puisse voir sous une nouvelle perspective. Ils peuplent mon studio, font une sieste parmi les livres et peintures, voletant par les fenêtres, nichant dans les placards, jouant des tours idiots, et offrent des cadeaux lumineux. Vous les trouverez dans les forêts, en montagne, dans les déserts, sur les récifs arénacés au bord de la mer; dans la brume dorée d'une aube d'un pays ou dans la fumée argentée d'un crépuscule urbain ; en Angleterre et en Amérique... et dans les paysages du monde entier. Les Féeries sont la nature intérieure de chaque terre, et la réflexion de la nature intérieure de nos âmes. Elles m'entourent maintenant, pendant qu'elles vous entourent - vous avez besoin seulement de la vue pour les voir.

     

     

    Good Faeries

     

    © Good Faeries, Bad Faeries
    (Brian Froud)
     
           Les images de ce livre ont toutes accentué leur manifestation sur ma planche de dessin. Rien ne se compose - ces images sont des communications directes des féeries. Les mots que j'utilisais pour décrire les images ont émergés du même endroit mystérieux, palpitant entre le net et le flou comme s'ils étaient venus à moi à travers du verre tordu. C'est de cette manière que les féeries communiquent, avec le très grand sérieux mélangé à de l'humour, et des symboles, des listes, des plaisanteries, des relations, des répétitions, des changements de sujet, et des confusions volontaires. La plus petite figure dans le fond d'une image pourrait être l'aspect le plus important de tous ; ou une expression absurde pourrait contenir le message caché que les féeries nous destinent. Quelques féeries exigent une compréhension complexe et une érudition mythologique ; d'autres s'expriment elliptiquement ; encore d'autres sont trompeusement directes.

     

          Quelques mots que j'ai omis, sentant ils étaient trop obscurs ou simplement ridicules - mais les féeries ont exigé, me rappelant que toutes les significations ne sont pas forcément censées pour être claires immédiatement. Quelques idées prennent du temps. Quelques mots sont conçus pour nous mener dans les voyages intérieurs, avec une vérité cachée et profonde dans leur intérieur. Dans Faeryland, ce qui semble le plus absurde est souvent la clef pour communiquer avec des forces spirituelles plus élevées. C'est une terre où la sagesse est inséparable de rêve et où les lèprechauns dansent avec les anges. Ceci est un livre très personnel du fait vous, lecteur et observateur, regardez à travers mes yeux et mon coeur dans Faery - mais mon espoir est que ces images encourageront votre propre seconde vue à se développer.

     

          Joseph Campbell a dit que les artistes sont les « shamans et les faiseurs-de-mythes » de notre monde moderne. Comme Campbell, je crois que l'artiste comme le shaman, voyage dans la profondeur en retraçant les mondes intérieurs, puis rapportant des sensations et des visions rencontrées dans ce terrain mythique. Je vois mes images comme des cartes de voyage que j'ai pris dans les royaumes de l'âme. Et j'espère que ces cartes vous guideront vers les voies de féeries qui vous sont propres.

    Brian Froud

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    Extrait du livre « Good Faeries, Bad Faeries » de Brian Froud.


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